Le Rouge de brésil
On utilise le bois de brésil pour teindre et pour peindre. Le Moyen Age l'importe des Indes et de Ceylan. On l'appelle bois de brésil, en raison de sa couleur de braise. On mélange le rouge de brésil avec de l'ocre jaune ou avec des bleus comme l'indigo et le lapis lazuli. On obtient un rouge, avec du blanc un rose pâle. Pour faire un rouge rosé, on passe le brésil sur du vermillon et on atténue ainsi la nuance orangée de cette couleur. On peut aussi ajouter du blanc à un mélange de brésil et de vermillon, cela donne des tons carmins plus ou moins clairs. L'apparition des laques de brésil en Occident remonte au moins au XIIème siècle. Le rouge de brésil supplante peu à peu le sandragon, le folium et les orseilles. Comme les épices, les pierres et les tissus pécieux, le brésil et d'autres matières tinctoriales d'Orient telles que l'indigo suivaient les routes commerciales jusqu'à Alexandrie, Byzance, Chypre et la petite Arménie. Le manuscrit de Montpellier dit que le bois de brésil venait d'Alexandrie.
Dans le Livre des Divers Arts de Montpellier (ms 277 de l'Ecole de médecine, XIVème siècle), l'auteur donne trois types de recettes pour faire du rouge de brésil.
1) avec de l'urine
2) avec du blanc d'oeuf et de l'eau gommée
3) avec de la chaux et de l'urine
1) on laisse macérer durant un jour et une nuit, les râclures du bois de brésil dans de l'urine dans un coquillage,
conca [je suppose qu'il s'agit d'une coquille saint Jacques mais Jean-Pierre Rose, dans son mémoire de maîtrise où il a traduit en français les recettes, parle de cuvette]. Le lendemain, on ajoute de l'alun et on laisse reposer un jour. On filtre. On laisse sécher et ce qui se trouve au fond de
conca, on le détrempe avec de la gomme ou du bland d'euf ou de la colle tiède.
2) on fait un mélange, dans un coquillage,
coclea [J.-P. Rose traduit par une coupelle], de râclures de bois de brésil avec du blanc d'oeuf et de l'eau gommée (deux fois plus de blanc d'oeuf que d'eau gommée + de l'eau, moitié moins que l'eau gommée) et un grain de pois chiche d'alun. L'auteur de la recette ne dit pas combien de temps il faut laisser infuser.
3) On mêle de la chaux fraîche à de l'urine dans un petit pot adapté à cet usage,
apto vasculo. On ajoute ce mélange au bois de brésil et on laisse reposer le tout pendant une demi-heure au moins. On verse ensuite le rouge de brésil sur du blanc d'Apulie, on ajoute un peu d'alun, du kermès préalablement délayé dans de la gomme arabique [n'ayant pas de kermès, on pourrait essayer avec la cochenille ?!] ce qui rougira la couleur. Le tout une fois séché se conservera des années.
Voici l'une des recettes en français que Jehan Lebègue ajoute au XVème siècle dans ses
Librii colorum :
334.
A faire couleur de roses vermeilles.— Raez bresil en un vaissel de terre plomme et y metez de lorine et aussi pouldre dalun, et le laissiez une nuit reposer, et a landemain le mettez sur les charbons sans flambe, et le faites tres bien boulir une onde ou deux, puis lostez du feu et mettez avec un pou de chaux vive en pouldre, et mellez tres bien ensamble, et ostez le cler, et mettez lespez secher pour garder et pour en ouvrez quant est besoing.
Le manuscrit de Le Bègue recense une vingtaine de recettes de laques de brésil. La recette suivante décrit un procédé pour faire un rose, procédé que nous n'avons pas encore vu.Il s'agit d'une extraction avec de la lessive (cendres filtrées avec de l'eau).On prend une lessive forte faite de cendres de être que l'on fait bouillir que l'on verse ensuite sur le bois de brésil dans une écuelle de terre vernissée,
scutella terre vitreata. On laisse reposer une heure. On mélange ensuite des coquilles d'oeuf pilées avec de l'alun de roche auxquels on incorpore la lessive rougie par le brésil. (résumé issu de la traduction d'Inès Villela-Petit, Têchne n°4).
Le manuscrit Sloane 1754, Le
Livre des couleurs pour l'enluminure et la peinture donne une longue recette pour transformer le bois de brésil. Il faut faire macérer le bois tinctorial dans un pot,
vase avec du glaire d'oeuf. On ajoute de l'alun et quand la liqueur est saturée on la réserve dans une coquille,
quoquilla.
Les formules divergent sur la couleur que l'on voulait obtenir. On peut avoir soit une laque rose opaque dite
rosa ou
rosetta à laquelle on a ajouté du blanc de plomb ou un blanc calcaire. On pouvait aussi obtenir de rouges et rouges violacés transparents qui servaient en glacis.
Bibliographie Article en ligne de l'IRHT sur le bois de brésil employé en enluminureLibellés : enluminure, matériel, pigments, procédés techniques, réceptaires, récipients, reconstitution historique, sources, teintures